Vivre nos corps pleinement

Le mouvement Lachapelle atelier

 « If the body protest statement could but be read – be it one of fatness or thinness – it would be seen to be one of the few ways that women can articulate their internal experience » (MacSween, 1993, p. XIX)


Le corps serait un média sur lequel il faut lire un message, celui d’une résistance à l’oppression dont les femmes de toutes formes sont victimes (Godin, 2016). 

©Frédéric Forest


C’est peut-être ta mère, ou ta sœur. C’est peut-être ton père, ou tes amis, ta famille, ton professeur de danse ou la mère de ton amie. Sinon c’est dans les films, les livres, les journaux ou les publicités. Je ne sais pas pour toi c’était qui ou c’était quoi, mais un jour dans ta vie, quelqu’un t’a fait sentir comme si tu n’étais pas assez belle. Je le sais parce qu’on passe toutes par-là, je le sais parce que cette fille-là c’est moi. Après on grandit et j’ai l’impression que deux chemins se dressent devant nous. Le premier c’est celui où tu décides que tu veux être assez belle, tu changes ton corps, tu te conformes et tu te perds, tu te modifies et ça te rend malade. Il n’y a jamais une finalité quand tu empruntes ce chemin-là et le bonheur ce n’est pas ce que tu trouves au bout de la route. Ce chemin vise ultimement à résoudre, par l’action sur le corps, les contradictions du social et des modèles de féminité. Elle est une libération condamnée à échouer, mais elle est une libération quand même (Godin, 2016).  Alors, certaines d’entre nous choisissent de prendre le deuxième chemin, celui de l’acceptation, de l’amour de soi, de la douceur. Celui-ci est moins violent, mais la quête reste un peu là même, non ? Trouver un bonheur, se convaincre qu’on est assez belle. C’est s’aimer malgré, c’est « je m’aime quand même ». Il n’y a pas de prédisposition à ce sentiment-là, ce n’est pas une question d’âge, de milieu socio-économique, de traumatisme ou de contexte social. Il n’y a aucune corrélation ou explication, il n’y a pas de gène, de pattern ou de formule. Ce n’est pas l’individu qui mène cette action, c’est le social.

 

" L'analyse féministe et sociale en situant l'explication au coeur même du social, aborde la question différemment : femmes avec des troubles alimentaires, placées dans une posture de victime, se voient dépouillées de leur capacité d'agir de manière autonome, dès lors exonérées de toute responsabilité quant à leurs pratiques. Leur rémission serait une lutte contre le social. " (Godin, 2016, p.210).

 

Ici, je parle en tant que femme et en tant que féministe, alors je ne nie pas que certains hommes vivent avec des troubles alimentaires ou des problèmes d’estime de soi, que les hommes aient leurs propres standards ou normes auxquels ils doivent adhérer, mais j’ai décidé de parler des femmes pour plusieurs raisons. Je parle des femmes parce que le corps de la femme est plus qu’objet de désir avec des normes à remplir, il est aussi un outil de colonisation, il est victime de violence psychologique, physique, sexuelle et le corps de la femme est un outil utilisé afin de nous garder victime de l’oppression vécue par le système dominant. Le corps de la femme est beaucoup plus que juste un corps, il est politique, il est social. Pour se libérer de cette oppression, de cette violence, de cette incompréhension de nos corps, je pense lutte inclusive, je pense, féminisme, je pense de, par, pour, les femmes. Je suis d’accord qu’on a le pouvoir de changement sur nous-mêmes, sur les structures et les normes. Je n’ai pas envie d’une expérience partielle de mon corps, limitée par les attentes de la société envers les femmes. Mais c’est tellement difficile, seule, devant un miroir. Se lever le matin et mener sa petite bataille personnelle. Le problème c’est que ce n’est pas une petite bataille et ce n’est surtout pas personnel. 


Lachapelle atelier c’est une occasion de mener cette bataille-là ensemble, de marcher main dans la main sur cette route de l’amour de soi, l’amour de son corps et la diversité de celui des autres.

Mais ce n’est pas juste ça, Lachapelle atelier c’est une intervention sociale qui prône l’approche féministe, c’est une bataille menée par et pour les femmes, c’est changer les structures et les mentalités. C’est un mouvement social qui déconstruit l’idée de la beauté normalisante des corps, c’est un mouvement qui déconstruit les deux chemins qui sont devant nous trop jeunes, trop tôt.

Lachapelle atelier c’est un mouvement féministe qui nous donne la possibilité de reprendre le contrôle de nos corps, donc par le fait même, reprendre contrôle du pouvoir qui ne nous a jamais été complètement donné, de nos vies libérées du regard, des attentes, des violences infligées par les autres et par nous-mêmes.

Lachapelle atelier ce n’est pas juste un mouvement social, it’s a god damn revolution. 

 

Look at your body 

Whisper

There is no home like you 

Thank you

- Rupi Kaur


 

Sarah Stewart

Femme

Étudiante à la maîtrise en travail social concentration études féministes

Référence : Godin, L. (2016). Anorexie, boulimie et société : penser des corps qui dérangent. Québec : Presses de l’Université du Québec.